PETITE HISTOIRE N°30
Aujourd’hui est un jour particulier.
Et comme toujours dans les moments particuliers, je me réfugie dans l’écriture.
Le camion de déménagement est prêt à partir, les meubles, cartons et plantes y sont soigneusement rangés. Ma grande fille Jeanne nous quitte pour la Bretagne, où sa vie avec son amoureux l’attend, dans un appartement tout neuf, spacieux et bien situé.
Ma fille est dans mes bras, je lui dis que je l’aime et combien je suis fière d’elle.
Elle pleure, je sens ses larmes dans mon cou.
Je retiens les miennes, la serre contre moi, embrasse mille fois ses joues, lui murmure des mots d’amour.
Ma confiance en elle est immense, Jeanne porte en elle de magnifiques possibles.
Mon mari et ma plus jeune fille montent dans le camion et bouclent leurs ceintures, Jeanne a quitté mes bras et les rejoint, se retourne une dernière fois, m’envoie un baiser de la main.
Les miens volent vers elle avant qu’elle monte à son tour et ferme la porte.
Mon dos trop souffrant ne me permet pas de les accompagner.
Notre chien Timon est assis à côté de moi et nous les regardons partir.
J’agite le bras en souriant bravement, le camion s’éloigne, il tourne au coin de la rue.
Et là, je m’effondre.
Une nouvelle partie de ma vie s’ouvre, je dois dire au revoir à celle où je voyais ma fille tous les jours.
Et c’est difficile…
J’ai déjà vécu cela avec mon grand garçon.
Je suis très heureuse pour lui.
Je vivrai cela à nouveau quand ma plus jeune fille débutera sa nouvelle vie.
Et je serai très heureuse pour elle.
Mais je sais aussi combien le manque peut se faire cruellement sentir.
J’essuie mes joues, mouche mon nez, me console comme je peux.
Jeanne sait que notre maison sera toujours la sienne, qu’elle pourra toujours venir s’y réfugier, aussi souvent et aussi longtemps qu’elle le désirera, que jamais je ne retirerai quelque chose de sa chambre sans sa permission.
Sauf les araignées, bien sûr, parce que les araignées…là…
Jeanne sait que mon amour l’accompagne partout où elle se trouve, je serai toujours auprès d’elle, même si je ne suis pas à côté d’elle.
Nous n’avons pas donné naissance à nos enfants pour les garder auprès de nous.
Ils sont le prolongement de notre amour, et grand est notre bonheur de les voir ouvrir leurs ailes et s’envoler.
Aujourd’hui, je suis fière, fière de nous, fière de moi, fière de ma fille.
Même si mon cœur de maman pleure.